Résumés des communications > Quéval - La première traduction française du roman Historia vnd Geschicht Doctor Johannis Faustj, entre catholicisme et Réforme luthérienne

3 - Marie-Hélène Quéval (PU, Université du Maine, Langue, Littérature et Culture germanique)

La première traduction française du roman Historia vnd Geschicht Doctor Johannis Faustj, entre catholicisme et Réforme luthérienne

En 1580-1587 paraît un roman Historia vnd Geschicht Doctor Johannis Faustj, mélange étrange de sérieux tragique, de théologie et de farces rocambolesques pour mettre en valeur l’enseignement des cinq solae de Luther : sola scriptura, sola fide, sola gratia, solus Christus, soli deo gratia.  Faust est celui qui a oublié cette sagesse et ne fait plus confiance ni à Dieu, ni à sa grâce, ni à l’Écriture. Il trahit l’enseignement du Christ et perd la foi. Mais Faust, c’est aussi un homme de la Renaissance, avide de connaissance, désireux de percer les mystères de l’existence et de l’univers. C’est en Allemagne lors de sa formation à la théologie protestante que Pierre Victor Palma-Cayet (1525-1610) découvre l’Histoire de Faust. Or il ne se lance dans sa traduction que beaucoup plus tard, alors qu’il a déjà abjuré la foi des Réformés pour retourner dans le giron de l’Église catholique à l’exemple de son ancien élève Henri IV. Dans quel esprit se lance-t-il dans l’entreprise ?
Pierre Bayle trace un portrait très noir du pasteur apostat qui a changé plusieurs fois de religion passant du catholicisme au protestantisme qu’il abjure enfin pour retrouver la foi de ses pères. Lors de sa formation théologique, il parcourt les pays de la Réforme, la Suisse calviniste puis l’Allemagne luthérienne où il découvre la légende de Faust, en particulier le Volksbuch (1587) qu’il va traduire avec un grand talent en y ajoutant la verve gasconne. Plusieurs études ont déjà abordé le cas Palma-Cayet : celle de Yves Cazeaux qui en 1982 fait précéder la réédition de L'Histoire Prodigieuse du Docteur Fauste (1598) de Cayet d’une introduction avec notes. Yves Cazeaux compare la traduction de Cayet avec celle plus contemporaine de Joël Lefebvre (1970) et il souligne certaines différences assez significatives qu’il explique soit par des réticences idéologiques, soit par une connaissance trop imparfaite de la langue allemande. Il serait donc pertinent de comparer la traduction avec l’original allemand, et non point avec une autre traduction du XXe siècle, répondant donc à une autre conception de cet art, pour mettre en évidence les choix idéologiques du traducteur. Cayet qui avait découvert l’œuvre lors de sa formation de théologien protestant, se lance dans la traduction après son apostasie et sa reconversion à la foi catholique. Quel rôle joue ce changement dans son travail ? Quelle va être sa réinterprétation de cette légende a priori mise au service de la Réforme luthérienne. Peut-on reconnaître dans son texte une prise de position par rapport à la Réforme ? Une étude comparative approfondie des deux textes français et allemand ne manquera pas de renouveler la perception de l’œuvre et du mythe faustien en France et en Allemagne. Car Faust incarne le savant tourmenté et angoissé du XVIe siècle, sa quête pour comprendre le fonctionnement de l’univers, et la place de Dieu et du Diable dans la création ; mais c’est aussi une œuvre de propagande destinée à défendre la Réforme, un aspect que Cayet s’efforce de gommer sans pour autant trahir sa formation luthérienne. Ce déchirement entre les deux fois est-il perceptible dans sa traduction ? Ce sera la question à laquelle nous essaierons de répondre.

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